Un savoir-faire séculaire
La paille de seigle, simple végétal humble et brut, se voit transcendée par le travail de la main.
Elle devient objet d’art au terme d’un long processus de transformation qui nécessite de maîtriser un savoir-faire séculaire.
Parce qu’elle ne peut être travaillée qu’à la main, brin par brin, la paille de seigle exige patience et précision.
Il faut compter au minimum quatre à cinq journées de travail pour recouvrir un mètre carré de marqueterie de paille.
Historique
La marqueterie de paille serait d’origine française. Née au 17e siècle, elle était alors pratiquée par les religieuses, les bagnards, ou encore les marins, qui fabriquaient principalement de petites boîtes ou tableaux richement décorés.
La paille de seigle présentait alors plusieurs avantages comparé aux placages de bois précieux : matière plus abondante, et renouvelable plus rapidement, elle était donc bien moins onéreuse.
La marqueterie de paille est ensuite tombée dans l’oubli, avant de connaître ses heures de gloire au début du 20e siècle, lorsque de célèbres décorateurs de la période Art Déco s’emparent de la technique pour décorer du mobilier ou des murs entiers.
Jean-Michel Frank, André Groult et Jean Royère en furent les plus éminents ambassadeurs.
Au début des années 1980, la petite-fille d’André Groult, Lison de Caunes, décide de faire revivre cette technique, qui connaît alors de nouveaux succès, et est aujourd’hui de plus en prisée des professionnels de la décoration.
Aujourd’hui, si les artisans d’art spécialisés en marqueterie de paille restent rares, nous sommes de plus en plus nombreux à nous consacrer à ce savoir-faire fascinant et à le moderniser.
Du champs de Bourgogne à l'atelier
Les incroyables propriétés de la paille sont connues de l’homme depuis toujours. Très résistante, elle est aussi naturellement imperméable grâce à la silice qu’elle puise dans le sol au cours de sa croissance,
Utilisée pour de nombreux usages (engrais, litières, isolation, chaises, toits, etc), c’est à travers la marqueterie de paille qu’elle prend sa dimension la plus étonnante et prestigieuse. Le seigle est privilégié pour sa hauteur et sa bonne tenue.
L’atelier Amélie Niard – Marqueterie de paille utilise de la paille de seigle cultivée et teintée en Bourgogne par Jean-Luc Rodot, dans son exploitation familiale.
La paille est fauchée juste avant la maturation des grains, puis séchée sur place, dans le champs. Un premier tri est ensuite effectué pour écarter les brins trop abîmés. Une partie de la production est utilisée pour garnir les toits de chaume. L’autre partie de la production est destinée à la marqueterie de paille et au rempaillage de chaises.
Les brins destinés à la marqueterie sont ensuite divisés par une coupe entre les noeuds, pour obtenir les fétus qui seront destinés à la marqueterie, et teintés.
La paille est colorée à l’aide de teintures textiles, au moyen d’un trempage dans d’immenses cuves, chauffées au feu de bois.
Soumise aux aléas climatiques, chaque récolte est différente et produira une paille plus ou moins haute, souple, et épaisse. Chaque brin est différent, et puisque la paille n’absorbe pas la couleur de manière uniforme, elle nous offre des camaïeux riches et vibrants dans chaque teinte, et même au naturel.
Jean-Luc Rodot a développé une gamme de plusieurs dizaines de couleurs, ce qui nous permet de vous proposer un très large nuancier pour répondre à tous vos projets en marqueterie de paille.
Du végétal à l'oeuvre d'art : les étapes de transformation
01.
Fendre
Pour pouvoir être utilisé en marqueterie, chaque brin de paille doit tout d’abord être fendu dans sa longueur afin de pouvoir l’ouvrir.
On entend alors la paille chanter, et selon la mélodie émise par le brin, on peut en déduire s’il sera utilisable.
02.
Aplatir
Une fois ouvert, chaque brin doit désormais être écrasé sur ses deux faces pour être lissé, à la force du poignet.
Une opération à répéter plusieurs fois pour obtenir du brin qu’il prenne la forme d’un « ruban » de paille.
03.
Sélectionner
Ainsi contraint pour s’éloigner de sa forme naturelle de tube, le brin devenu ruban peut désormais être inspecté pour détecter d’éventuels défauts.
Seuls les plus beaux brins de paille de seigle seront sélectionnés pour être utilisés dans notre marqueterie.
04.
Tracer
Avant de procéder au collage, on vient tracer notre motif sur notre support.
Ce tracé nous servira de guide pour appliquer nos brins de paille avec précision, et réaliser les découpes pour constituer le décor choisi.
05.
Coller
Il est alors temps d’encoller notre support, pour pouvoir y appliquer notre brin.
Dans certains cas, le motif exige de travailler dans un premier temps sur papier, pour pouvoir ensuite réaliser des frisages, avec les mêmes techniques que la marqueterie de bois.
06.
Assembler
Les brins de paille doivent être collés bord à bord, sans aucune superposition ni interstice entre les brins.
Aidés par la colle, on vient glisser notre brin au contact du brin précédemment collé.
07.
Lisser
Une fois bien en place, il faut désormais lisser le brin pour chasser l’excédent de colle.
Là encore, le geste se répète plusieurs fois, afin d’ancrer notre collage, et lisser parfaitement notre paille de seigle.
Une étape fondamentale, car de la qualité du collage dépendra la bonne tenue de notre marqueterie.
08.
Couper
Le diamètre des brins n’est pas constant, les rubans de paille ne présentent donc pas deux bords droits et parallèles.
Alors à chaque brin – ou presque, on vient redresser la ligne en coupant notre paille à l’aide de bistouris de chirurgien.
C’est aussi la découpe qui nous permet de former notre motif avec précision.
09.
Nettoyer
Il reste encore à réaliser une étape fondamentale : les finitions.
Le nettoyage des traces de colle permet de révéler toute la brillance de la marqueterie de paille.
Naturellement vernie, la paille peut être cirée pour renforcer la protection naturelle que lui confère la silice.
Mon parcours
Après une première vie de journaliste à Radio France Internationale, j’ai entamé une reconversion professionnelle en 2016, en m’inscrivant au CAP ébéniste du GRETA de l’école Boulle, à Paris.
Une collègue de formation qui pratiquait la marqueterie de paille me propose un jour de me faire découvrir la technique, dont j’ignorais jusqu’à l’existence.
Le coup de foudre est immédiat, tant pour la matière que pour les gestes du travail de la paille. Malheureusement, la découverte est trop tardive pour me permettre de réaliser mon stage de fin d’études dans un atelier de marqueterie de paille.
CAP ébéniste en poche, j’entame alors ma deuxième carrière au sein de divers ateliers de fabrication de mobilier. Mais je rêve toujours de marqueterie de paille, alors j’apprends la technique en m’entraînant les soirs et les week-end.
J’expérimente, je tâtonne, je me trompe. Aidée par des vidéos et des ouvrages de vulgarisation, ainsi que par les conseils que je n’hésite pas à demander à des marqueteurs expérimentés, j’affine peu à peu mon savoir-faire.
Et finalement, en 2019, je me lance en quittant Paris pour Marseille, où je fonde mon atelier spécialisé en marqueterie de paille.